Samedi 28 mai 2005
Bénédiction des troupeaux
et fête au village d'Ardengost

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ARDENGOST - samedi 28 mai 2005 - MONTEE AUX ESTIVES

Journée mémorable ! Ce soir, j'ai la panse rebondie d'herbe succulente et la tête débordante de pensées…d'idées et non de fleurs ! Qu'est-ce que vous croyez ? Ce n'est pas parce que je suis une brebis que je ne pense qu'avec un a ! Ce n'est pas parce que je suis un animal que je suis bêêête ! Je suis jeune, il est vrai, mais précoce : pas comme ce printemps, aux dires des vieilles. J'ai déjà appris le langage des humains. Alors, ne vous étonnez pas si je m'exprime comme le bon Jean De La Fontaine qui nous a si bien compris, nous, les animaux.

Au fait, je m'appelle Mounette. Je suis née l'automne dernier. J'ai grandi dans la plaine, à Juillan. Aujourd'hui, j'ai reçu comme un baptême : ma première montée aux estives. Que je vous raconte.

Ce matin, donc, on nous a entassées dans une bétaillère et débarquées sur une petite route perdue. Il était temps ! Je commençais à étouffer et j'avais le mal de mer ! Des montagnes partout et, au loin, accroché à la pente, un petit village, ARDENGOST, sur les hauteurs duquel nous allons passer nos grandes vacances. Nous, je veux dire moi et mes 700 copines du plat pays. Pas le temps de flâner en chemin ni de déguster l'herbe tendre ; juste un brin volé au passage. Les bergers et les chiens nous poussent sans ménagement car nous avons rendez-vous, à 11 h, au pied de l'église. Mais pourquoi donc ? Soudain, on nous fait grimper une pente terrible pour laisser la route aux voitures. Heureusement, l'herbe y est grasse. Hélas, on nous fait redescendre sur le champ, je veux dire sur le bitume et nous voici bientôt au village, serrées comme des sardines (à ce que disent les humains) sous le porche et le cimetière. Mais quel bonheur ! De l'herbe fraîchement tondue (comme nous !) partout ! Je m'en donne à belles dents jusque sous les sabots, pardon, les semelles des bipèdes qui attendaient l'arrivée des vedettes du jour. Nous sommes d'une sagesse exemplaire : pas de bousculades, pas de bavardages ! J'entends qu'on parle de nous, les brebis, de nos bergers, d'un Seigneur Dieu et d'un certain Jésus. A la rentrée, je commence mon caté pour en savoir plus sur eux : ils semblent nous aimer. Tout à coup, il se met à pleuvoir. Je lève le museau ; j'aperçois un homme tout de blanc vêtu ( comme nous !) qui nous asperge généreusement avec une branche de buis. J'apprends qu'il s'agit de Jean-François Duhar et qu'il est aussi berger (pasteur ou curé, comme ils disent). Je dresse les oreilles : les MAJOURAOUS de la Barousse viennent d'entonner une chanson en notre honneur. Je n'ai guère le temps d'apprécier : je suis emportée par le flot laineux qui s'élance à toutes pattes à l'assaut des estives. Ce qui s'est passé après, je l'ignore. Je confesse que je m'en souciais comme de ma première tétée tant, là haut, l'air était vif, l'eau limpide et l'herbe parfumée. L'an prochain, à Ardengost !


Je prends donc le relais de Mounette toute à son bonheur naïf. Tandis que les uns s'affairent aux préparatifs du repas, les autres se rassemblent dans l'église dont l'intérieur a été joliment restauré. La messe commence. Les textes (Ez 34, Ps 22 (23), Jn 10) sont de circonstance ; l'arrivée du troupeau, sa bénédiction, sa montée aux estives en ont fourni un commentaire concret. L'animation est assurée par le chœur mixte des MAJOURAOUS (" bergers ") de Sarp. Ce groupe vocal a été fondé en 1981 pour sauvegarder et perpétuer les chants traditionnels du terroir (plus de 100 titres au répertoire). Il intervient, à la demande, aux fêtes locales et, depuis peu, aux célébrations religieuses : c'est le cas aujourd'hui. Les jeunes prendront-ils la relève ?

L' "Ite, missa est" proclamé, tous se rassemblent sous la tente dressée sur la grand Place pour l'apéritif-buffet-grillades animé par nos Majouraous. A cette occasion, la population d'Ardengost (une vingtaine d'habitants) se voit décuplée, à tout le moins.

Tiens ! La bergère, Caroline Pereira, est redescendue prendre un dernier bain de foule avant de rejoindre pour de bon ses 1200 brebis montées aux estives d'Ardengost, les unes, par la route, depuis la plaine tarbaise, les autres, par la montagne, depuis la Barousse. La cabane du Souriau sera sa résidence d'été jusqu'en octobre. Souhaitons-lui bonne garde et que ses illustres devancières, Jeanne, Germaine, Bernadette, veillent sur elle et sur son troupeau.

Frère Henri Rivoalen