CHEZ NOUS, DANS LES ANNÉES CINQUANTE…
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"Les Sapins verts " - mai 1954
ON ATTENDAIT QUE GRAND-PÈRE MEURE POUR ACHETER LE POSTE !
Dans l’église de X..., M. le Curé veut faire comprendre à un enfant ce qu’est le Purgatoire...
— Tu as perdu ces jours-ci ton grand-père. Vois-tu, il n’était pas assez saint pour s’en aller tout droit au ciel, pas assez méchant pour être précipité en enfer. Eh bien, il est sûrement dans un lieu intermédiaire appelé Purgatoire, où les âmes des défunts se purifient de leurs fautes avant d’être admises dans le beau royaume de Dieu. Et comme tu aimais bien ton grand-père, je m’imagine que tu vas bien prier pour lui. »

À ce moment un plus petit que lui lève la main et demande la parole :
— Monsieur le Curé, il ne l’aimait pas du tout son grand-père.
— Qu'est-ce que tu en sais, toi ?
— C’est parce qu’un jour il nous a dit à l’école : « Papa nous a promis un poste, mais il faut attendre que grand-père meure. » Et il nous ajouta que grand-père ferait bien de mourir vite afin d’avoir le poste le plus tôt possible.
— Moi, j’ai dit ça ?
À ce moment tous les enfants, debout, lui crient :
— Oui, tu as dit ça, un jour à l’école.
Notre petit rusé, se voyant perdu, change vite le fusil d’épaule et crie à ses accusateurs :
— Mais vous n’avez pas donc compris que je disais ça pour rire ?
*
* *
Citons une autre de ses prouesses. Une voisine de sa maison l’entend un jour jeter à la face de sa tante, un mot pas du tout élégant. Rencontrant, quelques instants après, M. le Curé, elle lui dit :
— Ah! ça! Vous en avez parmi vos enfants du catéchisme des types recommandables ! Imaginez-vous qu’en passant devant une maison j’entends le gamin qui, oh ! je respecte trop vos oreilles pour vous répéter le mot qu’il servit à sa tante.
Quelques jours après, au catéchisme, M. le Curé demande au jeune chevalier :
— Comment tu appelais ta tante, ces jours-ci, qu’est-ce que tu lui disais ?
— Mais rien !
— Comment rien ?
— Ah ! oui, mais c’est pas à elle que je m’adressais, c’était à la chatte. Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’elle m’avait renversé le bol de café au lait.
M. le Curé ne put s’empêcher de riposter par la phrase espagnole : « Quien no te conozca, que te compre » (que celui qui ne te connaît pas t’achète).
*
* *
Le petit diable de jadis est aujourd’hui un grand jeune homme qui avance à travers la vie entouré de sympathie. Il doit avoir regretté parfois ses légères fredaines d’enfant.
Mais qui est sans tâche dans ce monde ?