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30-10-2017

À la chapelle de Bourisp, une catéchèse ludique en images

Église de Bourisp
Église de Bourisp

Sur les murs du porche de l’église de Bourisp, à l’entrée, proche des fonts baptismaux qui nous ouvrent les portes du salut, un certain Raymond Sabatier dont on peut admirer le travail dans plusieurs autres églises de la vallée d'Aure, voulut stigmatiser ce qui s’oppose à ce salut : à savoir le péché, omniprésent dans la réflexion chrétienne de ce temps-là, fin XVIe.
Ce sont les célèbres peintures murales des 7 péchés capitaux.

Mais qui parle aujourd’hui des 7 péchés capitaux ? On parle plutôt du Mal évitant de le représenter par des figures suggestives.

Raymond Sabatier, lui, s’en donne à cœur joie en dessinant cette cavalcade échevelée où ne manquent ni quadrupèdes pittoresques, ni diables ailés et sexués, ni la figure de la Femme qui depuis les déboires d’Ève a partie liée avec le péché. Heureusement que dans le sanctuaire marial de Bourisp, Marie triomphe et supplante glorieusement Ève la pécheresse.

On parlait donc des péchés capitaux autrefois dans la sainte Église. Le chiffre 7 comme chacun sait, voulant exprimer la totalité. Ils sont appelés capitaux parce qu’ils entraînent, dans une ronde infernale, beaucoup d’autres péchés. Sarabande endiablée c’est le cas de le dire.

On doit livrer, pour ne pas aller dans le mur, un véritable combat contre eux et le Baptême reçu nous y aide pour passer le mur de clôture en bois séparant le porche de la nef et entrer dans l’église proprement dite de Bourisp. C’est un parcours du combattant dans lequel je dois m’engager résolument pour stopper la cavalcade effrénée.

Comme le dit Nelson Mandela :

« Aussi étroit
Soit mon chemin
Je suis le maître
De mon destin,
Le capitaine
De mon âme
 »

 

« Heureusement que pour avancer sur la route, j’ai un compagnon sûr et non un diable ailé :
Faisons route ensemble, Seigneur. Partout où vous irez, je veux aller aussi.
 »
Sainte Thérèse d’Avila

 

 

Le premier ennemi à abattre c’est l’orgueil, premier péché capital représenté à Bourisp. Il est à la racine de tous les maux depuis le commencement.
C’est la SUPERBIA incarnée par une femme fière, élégante et chapeautée, enfourchant un superbe lion, le roi des animaux bien nommé.
Avec orgueil on s’arroge le droit de se mettre à la place de Dieu ; c’est « le principe de tout péché » (Si 10, 15)
Madeleine Delbrêl affirme d’ailleurs que : « le défaut d’orgueil est sur le plan du Mal, notre marque collective. » Le livre des Proverbes fait remarquer que : « derrière l’orgueil marche la ruine. » (Pr 16,18). Et l’apôtre Pierre certifie que : « Dieu résiste aux orgueilleux. » (1P, 5, 5)
La parole de Dieu loue le « contre orgueil » qu’est l’humilité (Magnificat) qui consiste à se positionner comme créature dépendante de son créateur et non comme créature autosuffisante. Ceci n’enlevant rien d’ailleurs à la dignité de créature, car il y a un saint orgueil à se savoir destiné à un avenir glorieux : « Reconnais chrétien ta dignité » (saint Léon le Grand). L’humilité bien située est la vertu des forts et non des minus.

L'orgueil, l'avarice
L'orgueil et l'avarice

Le deuxième péché capital est l’avarice. La peinture la représente sous la forme d’une femme tenant une bourse dans sa main. Ah l’attrait des richesses ! Elle est à califourchon sur une sorte de molosse qui n’a rien d’inoffensif.
L’avarice est bien sûr un attachement immodéré à l’argent et nombre de phrases d’évangile nous mettent en garde contre cette idole. Que ne ferait-on pas pour avoir, aujourd’hui comme hier plus d’argent ! « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » nous recommande Mt, 6,24.
Ce danger est aussi souligné dans de nombreuses religions même non chrétiennes. Ainsi ce proverbe soufi : « Ce que tu donnes est à toi pour toujours, ce que tu gardes est perdu à jamais ».
La bourse que tient en main la dame de Bourisp est un piège dangereux, il est le fruit de l’égoïsme source de tous les maux, car on est avare d’argent, mais aussi de tant de biens qu’on refuse de partager avec d’autres.
Paul VI dénonce l’avarice comme : « Le signe le plus évident du sous-développement moral. L’égoïsme est sous développement. » Ainsi la Terre qui pourrait nourrir correctement les sept milliards d’habitants pourrait même en nourrir douze, mais sans gaspillage ni accumulation par certains des biens de tous. Ce n’est plus le péché individuel d’un Harpagon, mais le péché collectif de beaucoup de harpagons.
Ce péché tue l’amour à la racine alors qu’en aimant non seulement on consolide notre propre santé, mais on renforce aussi la santé de l’ensemble des humains. Notre cœur a 70 battements par minute, s’il bat plus fort, c’est l’irrigation pour tout le corps. Être avare de son amour représente donc un grave préjudice pour tout le corps social, pour sa vitalité.

 

Le troisième péché capital c’est la luxure. Péché très présent dans les confessions du passé. Les premiers chrétiens ont donné un témoignage fort en se différenciant nettement des païens aux mœurs dissolues : « Les chrétiens partagent tous la même table, mais non la même couche » (Ep à Diognète vers l’an 200). C’est le péché de la chair qui est dénoncé et l’épître aux Romains le souligne : « Point de luxure ni de débauche » (Rm 13, 13).
La femme de la peinture murale est littéralement sous la coupe du démon qui lui couvre la tête de ses mains. Elle chevauche un bouc animal symbolique des débordements de la chair. Ses mains sont croisées sur son sexe et le menton du diable qui la domine a la forme de testicules.
C’est un péché qu’ont dû affronter même de très grands saints. Ainsi le péché du Roi David qui après avoir commis l’adultère tue son rival. On voit bien dans cet exemple que la luxure peut ouvrir la porte à d’autres péchés très graves comme l’homicide. Il est à ce titre « capital ».
Mais attention, il ne s’agit pas pour autant de tomber l’angélisme et d’éliminer tous les besoins du corps, car, dans sa sagesse, saint Thomas a déclaré que : « Personne ne peut vivre sans quelque délectation sensible ». Il s’agit plutôt d’instituer entre le corps et l’esprit une cohabitation harmonieuse en vivant un self-control de son plaisir. Et même s’il faut écouter saint Augustin lorsqu’il dit : « Si tu veux dilater les espaces de l’amour, il faut restreindre les espaces de la chair » (il en parlait en connaissance de cause), le corps qui est le temple de l’Esprit saint, a aussi sa place à tenir. Tout est affaire d’équilibre à trouver.
Dans sa règle, saint Benoît conseille à ses moines de monter vers Dieu sur une échelle à deux montants : il s’agit du corps et de l’esprit ; les deux sont importants.

La gourmandise, la luxure, la colère La gourmandise, la luxure, la colère

Le quatrième péché capital est la gourmandise. On aurait tendance à être plutôt indulgent à son égard. N’est-il pas sollicité dans la publicité pour venir chatouiller nos papilles. Jusqu’aux bons moines rondouillards des boîtes de camembert…
Pourtant dans sa règle, saint Benoît met en garde ses moines :
« Il faut surtout éviter les excès de façon que jamais un moine n’arrive jusqu’à l’indigestion. En effet, il n’y a rien de plus contraire à tout chrétien que de manger trop » (Règle 39, 1 à 40)
Le livre de Siracide enfonce le clou : « Ne te jette pas sur la nourriture, car trop manger est malsain, celui qui se surveille prolonge sa vie » (Si 37, 30-31)
Céder à l’attrait des seules nourritures terrestres c’est oublier la vertu de la tempérance, c’est tomber dans le matérialisme sans horizon transcendant : « Aux jours de Lot on mangeait, on buvait… » alors que le déluge était à la porte.
Satisfaire sans contrôle nos appétits c’est risquer de nous fermer aux appétits des autres. C’est le cas du riche qui banquette en ignorant totalement le pauvre qui gît affamé devant sa porte.
L’apôtre Paul dénonce aussi certaines dérives dans les agapes des premiers chrétiens : « L’un a faim tandis que l’autre s’enivre » (1 Co 11, 21). Cela ne veut pas dire qu’être bon chrétien c’est refuser d’apprécier la bonne nourriture. Ce goût devient péché dès lors que je me goinfre sans retenue, égoïstement dans mon coin.
Jésus, lui, a donné de l’importance aux échanges conviviaux autour d’une table. Jésus, taxé d’ivrogne et de glouton (Lc 7,3 4) par ses adversaires a fait de la table un lieu de partage et de fraternité.
Si la mauvaise gestion de la nourriture a pu conduire à la chute (péché originel), elle a pu conduire aussi à la Rédemption (Eucharistie).
De nos jours on parle beaucoup « de sobriété heureuse ». On est sobre pour permettre à d’autres individus ou pays parce qu’ils sont trop pauvres d’être gourmands.
Dans la peinture murale la femme chevauche un cochon animal impur dans la Bible, elle porte un jambon sous le bras et tient un verre à pied en main. Son horizon est bien limité et ce gentil péché de gourmandise n’est pas sans conséquence funeste.

 

Le cinquième péché capital c’est la colère. Le peintre ici se montre très expressif dans son art. La femme est échevelée, elle monte un dragon qui crache des flammes et sa langue est bien rouge.
Pour contrebalancer cette ronde infernale, Charles Singer dans un court poème recommande la ronde des vitamines en particulier les vitamines douceur et bonté. Il est urgent de réagir, car la colère peut engendrer l’homicide.
Jésus nous avertit : « Quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement ». Il reproche au prophète Jonas sa colère irraisonnée : « As-tu vraiment raison de te mettre en colère ? » Et cela justement parce que Dieu ne se met pas en colère et ne punit pas les Ninivites, car Dieu est « Lent à la colère et plein d’amour » (Ex 34, 6).
Mais il existe aussi de saintes colères comme celles de Jésus affrontant les marchands du Temple, elles procèdent d’une indignation face au mal.
Être chrétien c’est donc maîtriser la réaction primaire de faire le mal au lieu d’œuvrer à la construction de la paix. « Heureux les artisans de paix » (Mt 5, 9). C’est mettre en application le conseil de Ben Sirac : « Mon fils, conduis tes affaires avec douceur et tu seras plus aimé qu’un homme généreux en cadeaux » (Si 3,17). En dominant sa colère, on est toujours gagnant.

 

L'envie
L'envie

Le sixième péché capital est l’envie ou la convoitise.

Il est en lien avec le dixième commandement : « Tu ne convoiteras pas le bien des autres ». Il peut aussi conduire à désobéir au sixième commandement : « Tu ne commettras pas d’impureté » ou au septième : « Tu ne voleras pas ».
La femme de la peinture monte un superbe cheval, elle tient en main un miroir et dévisage dans ce miroir, les gens qui l’entourent. Elle semble sur le qui-vive.
Pour saint Augustin, l’envie c’est : « le péché diabolique par excellence ». Il est présent dès le début dans l’attrait pour le fruit défendu du livre de la Genèse. On le voit aussi à l’œuvre lorsque le roi Achab convoite la vigne de Naboth et que, poussé par la reine Jézabel il va s’en emparer en commettant un crime (1 R, 21)
L’envie pousse donc à commettre de graves méfaits et c’est pour cela qu’on peut dire qu’elle est vraiment un péché capital.

 

La paresse
La paresse

Le septième péché capital qui clôture la série c’est la paresse. La monture de la femme n’est plus le superbe cheval antérieur, mais un modeste âne et la femme tient ses deux mains liées dans une résignation d’impuissance.
C’est le refus de s’engager que déplore saint Grégoire le Grand lorsqu’il écrit : « Il est dans l’église bien des gens qui ont peur de s’engager sur les chemins d’une vie meilleure et ne redoutent pas de croupir dans une indolente paresse »
Dans une rencontre avec des jeunes (JMJ de Cracovie) le pape François évoquait la tentation du canapé. On rechigne pour agir, on cède à la facilité, à l’immobilisme, au confort, à l’indifférence pour les autres. On remet à plus tard ce qu’il y a à faire, on ne fait pas sa part. Cela contrairement au colibri de cette légende amérindienne qui, pour éteindre l’incendie vorace qui dévore la forêt, s’active beaucoup afin de recueillir dans son petit bec l’eau ensuite reversée sur le feu, essuyant les moqueries des autres oiseaux. Il se justifie vaillamment et déclare : « Je fais ma part ». Si chacun faisait sa part, le Royaume de Dieu avancerait.
Avec le pape François disons pour terminer cette prière à Marie : « Mère, aimons pour de vrai, ne soyons pas engourdis, ne nous réfugions pas dans les mille et une anesthésies que nous propose cette civilisation décadente. »
Laissons-nous interpeller par l’interrogation de Proverbes 6-9 :
« Jusqu’à quand, paresseux resteras-tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ? »
Comme le colibri il s’agit de faire sa part.

 

Merci Raymond Sabatier pour cette belle leçon de catéchèse ludique.

Petite soeur Marie Christine Lacroix (Azet)


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