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Jacques Tisné a rejoint la maison du Père
Messages prononcés à l'occasion de ses obsèques

Jacques Tisné
Hommage du diacre Gérard Crozat
Retracer la vie de l'abbé Jacques Tisné, c'est à la fois résumer l'histoire de toute une génération et aussi le parcours dynamique d'un homme qui a toujours voulu aller jusqu'au
bout de ses mots.
C'est l'histoire d'un enfant issu d'une famille nombreuse qui choisit librement le sacerdoce faisant de son ministère non seulement une mission conforme à ce qu'attend l'Église des prêtres de tous les temps, mais aussi rendant ce même ministère - comment dire ? - « esthétique ». Non seulement dans la recherche de beauté musicale ou visuelle, mais tout simplement dans la relation interpersonnelle. Et si tant d'hommes et de femmes ont découvert la Bonne Nouvelle de Jésus Christ ou ont été confortés dans leur foi, c'est justement par la pastorale de Jacques Tisné touchant toutes les catégories sociales et à l'écoute de toutes les générations.
Jacques Tisné, c'est l'étudiant au grand séminaire de Tarbes qui n'était pas encore la maison Saint-Paul. Enfant du quartier, je fréquentais la chapelle comme église paroissiale puisque l'église Saint-Martin n'était pas construite. Lors des séances de catéchisme ou des rassemblements sous la houlette de l'abbé Salis, nous croisions ces séminaristes tout ensoutanés. Je me souviens d'avoir été choqué par l'un d'entre eux qui avait prononcé le mot de Cambronne. Cela me paraissait très inconvenant et même inimaginable de la part d'un futur prêtre. Je crois que c'était déjà Jacques Tisné qui s'était exprimé ainsi. On peut le dire, il y a prescription.
Le dimanche, en revanche nous ne voyions pas les séminaristes. Ils étaient cantonnés dans leurs chambres à l'heure où la foule séculière constituait le peuple de Dieu rassemblé, ils ne devaient pas rencontrer les gens.
Après huit années comme vicaire à Bagnères, il est nommé à l'Institution de la Notre-Dame de la Sède puis aumônier du Lycée Marie Curie. Car l'abbé Tisné c'est d'abord le prêtre des jeunes. J'étais un de ces jeunes. Il avait fait de l'aumônerie son lieu d'habitation, courant ainsi le risque d'être dérangé à toute heure.
Rigoureux quant à la doctrine annoncée et à la qualité des échanges entre nous, sachant même lever la voix, il avait transformé ces temps de rencontres en échanges constructifs où nous confrontions nos approches et nos questions. Il était le prêtre de l'indulgence et des ouvertures, il n'hésitait pas à faire appel à des témoins qui nous ont tous marqués. C'est aussi grâce à lui, que jeunes ados nous avions découvert et appris à aimer et à fréquenter pour notre plus grand bien, l'abbaye Notre-Dame de Tournay.
Cet esthétisme dont je parlais, il le pratiquait dans son accueil et ses relations avec l'autre et, bien entendu, cela s'exprimait tout particulièrement dans la liturgie. Si à une certaine époque, il lui avait été reproché d'attirer trop de jeunes à « ses messes » c'est peut-être parce qu'avant d'autres, il avait su allier la rigueur de la liturgie et du canon aux questions que nous nous posions faisant des messes de jeunes (dont c'était la mode) un temps de spiritualité forte et aussi de dialogue entre des jeunes qui cherchaient et les exigences du christianisme. Je me souviens encore, comme si c'était hier, que « nous nous disions chrétiens et qu'il fallait être cohérents avec cela. » C'était à la maison diocésaine lors d'une récollection. Souvenons-nous, nous n'avions pas encore célébré les 10 ans de mai 68 !
Son goût pour le Maroc, il avait également su le faire partager à bon nombre de jeunes et de moins jeunes. Car les adultes n'étaient pas négligés et les parents d'élèves avaient non seulement leur place, mais pouvaient aussi bénéficier de tout l'enseignement que prodiguait l'aumônerie de Marie-Curie. Les professeurs aussi avaient leur entrée. Et c'était bien.
La sagesse d'un missionné, quel qu'il soit est de ne pas s'accrocher trop longtemps à sa mission courant le risque d'en devenir propriétaire. Après un an à l'Institut Catholique de Paris, il est devenu curé de paroisse.
Tant à Cauterets qu'à Tarbes à la paroisse Saint-Jean, ce que l'on peut dire c'est qu'il avait certainement une vocation cachée : il aurait certainement voulu être architecte d'intérieur. Les cauterésiens ont ainsi vu leur église quasiment refaite dotée d'orgues flambant neuves. À Tarbes l'église Saint-Jean a vu se modifier les stalles, entourant un nouvel autel tout rouge qui ne laisse personne indifférent et surtout les trois tableaux ajoutés au retable. Le tableau central, nous n'y reviendrons pas, a fait un peu polémique et là encore, ne laisse toujours pas indifférent. À cela le curé répondait : « va-t-on s'offusquer de voir le christ représenté dans des habits du moyen-âge comme cela est le cas dans bon nombre de chefs d'œuvres ? » Rendons-lui justice, l'église à laquelle l'abbé Tisné était affecté devenait son lieu de mission et il ne pouvait pas ne pas l'adapter à cette mission. Il en était de même des presbytères qui ont connu quelques remous architecturaux toujours avec la bienveillance des édiles et la patience des évêques !
Et toujours la liturgie et ses efforts pour la rendre belle et abordable. Pour la rendre pédagogique. C'est ainsi qu'une paroissienne m'avait confié un jour : « ce curé, il donnera envie à tous les mécréants de monter à l'autel ! » Il savait accueillir les gens tels qu'ils étaient.
C'est par ce souci d'une église accueillante et adaptée qu'il a su bien accomplir sa tâche de responsable diocésain de la pastorale du tourisme et thermalisme.
Enfin, Jacques Tisné était le prêtre de l'amitié, car il était humain. Sachant se confier quand il en avait besoin, profitant d'une soupe (il n'aimait pas les desserts) dans telle ou telle famille, il avait tissé des relations solides avec, une fois de plus toutes les générations et je ne peux cacher qu'il a été pour quelque chose dans ma vocation au diaconat.
Il était aussi l'ami d'un grand nombre de médecins. Bon, il était hypocondriaque et consultait souvent autour d'un whisky tel ou tel ami de l'institut. Cela lui a valu d'être aumônier diocésain du centre catholique des médecins français.
Et puis, sans faire de la délation, car nous sommes entre nous, je ne peux pas ne pas faire allusion à l'humour avec notamment pour cible certains chanoines du séminaire et cela, flanqué de son ami l'abbé Henri Larricq.
Mais s'il était l'ami, il était le frère et je voudrais finir par là. Sa famille comptait beaucoup pour lui, les lundis lui était consacré et avec Francis, les contacts avec frères, sœurs, neveux et nièces étaient à la fois des temps de ressourcement, de soutien dans les deux sens. J'ai eu l'honneur de connaître votre maman. Elle avait la simplicité et la générosité évangéliques. Je crois que Jacques a su en hériter.
Un confrère diacre, en apprenant sa mort, a réagi en disant : "Je pense qu'il va d'abord redécorer le paradis". C'est fort possible. Jacques Tisné avait des talents et des défauts. Mais je crois dans ma foi qu'il s'entendra d'abord dire de la part de Dieu: "Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur."
Hommage de son neveu Mario
Mardi, au bord d’une petite rivière avec mon copain François, nous déjeunions. C’était l’heure de la pause, sur un mur de pierre, au bord du chemin au sud de Salamanque. Il nous restait 6km à parcourir pour rejoindre un village isolé, mais sauvé, peut-être, par ce chemin qui le relie à Séville et à Saint-Jacques de Compostelle. Et c’est donc au bord de l’eau et dans un paysage pyrénéen, fait de prairies, de vaches et de moutons que le message est tombé annonçant le décès de Jacques. Les vaches ruminèrent encore, le vent continua à faire frémir les frênes, la rivière à poursuivre son chemin et le ciel superbe ne s’est pas obscurci.
Ce méchant coup de fil, nous le redoutions…depuis des années. Nous étions prêts depuis longtemps. Francis me confie la tâche de parler au nom des nièces et neveux…toutes et tous n’ont pas pu se dégager pour être présents, mais ils ne sont pas bien loin.
Jacques survivait, nous tous en étions bien conscients. Sa sérénité n’était perturbée que par la perspective angoissante de la déchéance. Sa volonté de garder le contact avec les siens et avec le monde restait intacte.
Nous avons grandi sous le charme de cet oncle rêveur, digne, drôle, attentif et profond. Jacques avait plein d’histoires et de souvenirs, on le sollicitait : ses années de coopération au Maroc, son véhicule régulièrement cambriolé à Madrid, ou ses aventures mexicaines.
Il nous recueillait au presbytère de Cauterets, nous initiait à la technique du recopier-recouper-recoller avec des ciseaux et de la colle en vue d’éditer la feuille de la célébration. On se moquait de son rapport approximatif à l’argent, à l’administration et à la photocopieuse . On participait à la vie de la paroisse ou de l’aumônerie où il se passait tant de choses.
On connaît moins bien Jacques le sportif : skieur élégant, mais râleur, voire impoli si on venait glisser trop près de lui, joueur de tennis distingué à proximité d’une terrasse, nageur placide les jours de soleil ardent…. Montagnard, bien sûr, avec une messe à 3000 m d’altitude en haut la Grande Fâche….
Mais Jacques était d’abord un fin pilote de 4L, rarement encombré de notions de mécaniques et capable d’allumer une cigarette au volant, dans le Sud marocain en été ….ou en hivernale dans les lacets du Tourmalet, en écoutant radioscopie de Jacques Chancel …
Jacques c’était une voix, une belle voix qui chantait juste et loin jusqu’au fond de l’église et des repas de famille. Une voix qui nous donnait envie qu’il se mette un peu en colère, car « le moment d’en rire » n’était alors pas bien loin. Étourdi sans perdre de vue l’essentiel, il aimait désacraliser l’accessoire et nous ramener au fondamental à la fin du débat.
Le lundi était le jour consacré à la famille et donc le « jour des curés » qui nous rendaient visite. Et cela dura des décennies, leurs mains portaient un livre, une bouteille, des berlingots et leur coeur nous amenait des anecdotes, des récits de voyage, des récits de paroisse et de fonds de vallées.
Francis, le lundi restera « le jour des curés », le mardi aussi et le mercredi. Et les autres jours aussi.
Merci pour tout à vous deux.
Hommage de Françoise Moissinac à l'occasion de la messe du 10 juin 2018 à l'église Saint-Jean de Tarbes
Jacques Tisné est parti, le 8 mai, pour la maison du Père comme l’a dit son frère Francis.
Je ne vais pas refaire l’historique de la carrière de l’homme et du prêtre Jacques Tisné, vous avez pu le lire, lors des très bons articles qui sont passés dans la presse.
Je vais simplement témoigner de l’amitié qui nous liait.
J’avais 11 ans quand on s’est rencontrés au lycée Marie Curie lui en avait 36, les rencontres de catéchèse se déroulaient dans l’établissement, ce qui peut paraître étonnant aujourd’hui… Le besoin d’un local AUMÔNERIE se faisait sentir et Jacques a poussé, avec d’autres, bien des portes pour atteindre cet objectif !
Jacques, c’est le curé qui a réveillé ma foi : il a fait volé en éclats tous mes préjugés, il a donné un sens à cette Foi endormie, il m’a fait découvrir un Dieu « lent à la colère, et plein d’Amour », il a dépoussiéré les offices, j’ai découvert des messes où l’on chantait « un chant nouveau » il a redonné des couleurs aux célébrations, exactement comme il l’a fait pour cette église qu’il aimait tant !
Sa culture était tellement étendue ! il aimait l’art sous toutes ces formes : le chant, la peinture, la littérature….
Il avait l’art et la manière de manier la colle et les ciseaux afin de concocter des feuilles de chants dont lui seul avait le secret !
On plaisantait aussi beaucoup sur cette préférence qu’il avait pour un de ses auteurs favoris : pas de célébrations sans un chant de Jean Claude Gianadda !
Il n’avait pas son pareil pour introduire dans ces mêmes feuilles, un petit texte en phase avec l’actualité ou à partager des bonheurs, des colères, des joies ou des chagrins, bref des évènements de la vie, qui l’avaient touché….
Mais Monsieur le Curé avait aussi son caractère : capable de colères qui ne duraient jamais bien longtemps, d’indignations parfois théâtrales, il avait un esprit très vif, le sens de la répartie et de l’humour à revendre, mais jamais méchant. Il aimait aller à la rencontre des gens, jeunes et moins jeunes, étrangers, vacanciers, pour transmettre cette foi qu’il voulait toujours actuelle et vivante : une amie m’a dit une phrase qui le caractérise parfaitement : « Il avait la foi joyeuse et contagieuse ».
L’infirmière que je suis ne peut manquer de rappeler son côté « cabochard » : comment ne pas se souvenir du Père Tisné sans évoquer l’éternelle cigarette au bout des doigts, et même si la boîte de bonbons n’était pas loin. Ma recommandation « Jacques vous devriez ralentir la cigarette » se heurtait toujours à son « Bah ! sois gentille, fiche-moi la paix ! tu es comme ma sœur ! »
Jacques était un homme d’une grande convivialité, à l’écoute de ses paroissiens, de ses amis, toujours prêt à partager un apéro avec un petit whisky ou un repas dans la simplicité.
Que ce soit à Marie Curie, à Cauterets, ici, à Saint-Jean ou à Saint-Lary, ceux et celles qui l’ont côtoyé ont toujours gardé le contact avec lui, il a partagé de nombreux moments avec nous : baptêmes, professions de foi, mais aussi obsèques… Avec toujours le même élan, la même sincérité, une Foi qu’il savait partager, réconfortante et porteuse d’espoirs. Il nous a fait découvrir la place que pouvaient avoir les laïcs, jeunes ou anciens, au sein de la communauté, dans l’église. Parfois provocateur, il nous a bousculés, mais dans un esprit d’ouverture et de confiance pour semer, tout au long de ces années, des graines qui continueront à donner du fruit encore longtemps...
Feuille de la messe d'Action de grâce
NOTA : Vous avez pu constater une erreur de date (11 mai 2017 pour 11 mai 2018) sur la feuille qui vous a été distribuée pour la messe d'Action de grâce de Jacques Tisné. Nous vous présentons toutes nos excuses. Si vous cliquez sur l'une des deux images ci-dessus vous pourrez télécharger puis imprimer une feuille corrigée.
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